La Sorbonne à l’époque Moderne, de la Renaissance à la Révolution Française

richelieu-champaigneÀ la Renaissance, l’usage tendit à désigner du nom du prestigieux collège de la Sorbonne la Faculté de Théologie de Paris, bien qu’un tiers seulement des théologiens formés à Paris appartinssent à ce collège. Cette confusion a parfois eu tendance à donner à l’institution une image fortement conservatrice dont les railleries rabelaisiennes sont l’illustration. On ne saurait toutefois oublier que la Sorbonne resta l’un des grands cœurs de la diffusion des connaissances et des idées en Europe.

Elle constitua également un lieu de débat et de controverses intellectuelles. Il faut ajouter enfin que les corporations universitaires bénéficiaient d’une autorité et d’un magistère dans tous les domaines de la société. Les rois, les évêques, les magistrats, les personnes privées consultaient les membres de l’éminente université qui jouissait ainsi d’un rôle important dans la vie du royaume et de la chrétienté. Surtout, la Sorbonne offrait le gage d’une formation intellectuelle de grande qualité reconnue par les plus hautes autorités de l’Etat. Elle devint un véritable vivier de carrières en offrant la chance à ses élèves d’assumer des tâches importantes au sein de l’Etat moderne en construction.

Après un net déclin au cours de la période des guerres de religion, les réformes impulsées par Henri IV accentuèrent le contrôle royal sur l’institution universitaire, orientant celle-ci vers la formation au service de l’Etat. Elle compta d’ailleurs parmi ses proviseurs – c’est-à-dire ses protecteurs et gestionnaires – certains des hommes d’Etat les plus illustres de leur temps (Richelieu, Mazarin, le cardinal de Retz, Le Tellier, le cardinal de Fleury…).

Le fonctionnement du collège n’avait pas tellement changé depuis la période médiévale. On y trouvait toujours des hospites sorbonici – jeunes bacheliers en théologie suivant leurs cours dans des écoles extérieures et formant la « Maison de Sorbonne »-, ainsi que des socii, désormais attachés à vie, qui étaient, eux, bacheliers et docteurs de la Sorbonne, et constituaient la « Société de Sorbonne ».

Les bâtiments comptaient trente-six appartements prévus à leur usage, ce qui laisse supposer un nombre de membres à peu près équivalent. On estime à quatre ou cinq cents le nombre des auditeurs aux cours de la seule Sorbonne.

Au début du XVIIe siècle, le collège de Sorbonne se présentait comme un ensemble de bâtiments disparates, édifiés le long de la rue de la Sorbonne entre le cloître Saint-Benoît au Nord et le collège de Calvi au Sud. C’est Armand-Jean du Plessis qui donna finalement à l’institution un ensemble de bâtiments unifié correspondant à sa renommée: élève de la Sorbonne durant les années 1606-1607, le futur cardinal de Richelieu en devint le proviseur en 1622. Sous son impulsion, la Sorbonne fut peu à peu rénovée, embellie, agrandie selon les desseins de son éminent mécène. Suivant les plans de l’architecte Jacques Lemercier, l’ancien collège et la chapelle médiévale furent rasés pour dégager une cour et une place. Une nouvelle bibliothèque fut construite et décorée en 1647 par Sanson Letellier. Enfin, une nouvelle chapelle aux vastes proportions fut achevée six ans après la mort du cardinal en 1648 et devint son mausolée.

Fortement marquée par la querelle janséniste au tournant du XVIIIe siècle, la Sorbonne s’allia au Parlement de Paris pour s’opposer à l’arbitraire royal et pontifical. Mais l’Université dut finalement se soumettre au pouvoir absolutiste qui institua sur elle une véritable tutelle.

Au siècle des Lumières, elle fut profondément influencée par le progrès des sciences et de l’esprit philosophique. De grands réformateurs y exercèrent des responsabilités, tels Jacques Turgot, qui fut prieur de la Sorbonne, avant de devenir ministre de Louis XVI. L’Université de Paris connut également une profonde laïcisation tout au long du siècle.

C’est donc une communauté universitaire en pleine mutation qui accueillit plutôt favorablement le processus révolutionnaire. Toutefois, la majorité des membres de la « Société de Sorbonne » – à commencer par les théologiens – refusèrent la Constitution civile du clergé. En 1791, les bâtiments furent fermés aux étudiants. Conséquence de la loi Le Chapelier supprimant les corporations, la « Société de Sorbonne » fut dissoute, à l’instar des universités de Paris et de province. En 1794, la chapelle fut transformée en temple de la déesse Raison puis, sous le Consulat et l’Empire, en ateliers d’artistes.