Marceline Loridan-Ivens reçoit le prix Seligmann

Marceline Loridan-Ivens brandit le prix qu’elle vient de recevoir des mains de François Weil, recteur de la région académique Île-de-France, recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités, et d’Yvette Roudy, ancienne ministre.

Marceline Loridan-Ivens brandit le prix qu’elle vient de recevoir des mains de François Weil, recteur de la région académique Île-de-France, recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités, et d’Yvette Roudy, ancienne ministre.

Décerné en novembre 2015 par le jury, la journaliste et réalisatrice Marceline Loridan-Ivens a reçu son prix, en Sorbonne, ce mois-ci. Récompensée pour son ouvrage « Et tu n’es pas revenu », publié en 2015 aux éditions Grasset, l’auteure s’est dite très fière de cette distinction, symbole de la lutte contre le racisme, l’injustice et l’intolérance. Autant de combats que cette rescapée des camps de la mort continue de mener.

« Apporter une pierre solide à la lutte contre le racisme »

Le prix Seligmann a été créé en 2003 grâce à un don fait par Françoise Seligmann à la Chancellerie des universités de Paris. Il commémore l’esprit des combats que cette femme d’exception et son mari ont menés tout au long de leur vie, contre le nazisme au sein de la Résistance, puis contre toute forme d’intolérance et d’injustice, notamment pendant la guerre d’Algérie. Ce prix a « pour vocation de récompenser annuellement une création écrite, d’expression française, apportant une pierre solide à la lutte contre le racisme ».

Au fil des années, le prix est ainsi venu saluer des auteurs et des personnalités tels que Yossi Beylin et Yasser Abder Rabbo (les premiers lauréats du prix, en 2004), Bachir Hadjadj (Prix 2007), Lilian Thuram (prix 2010), Léonora Miano (prix 2012), Sema Kiliçkaya (prix 2014) … et maintenant Marceline Loridan-Ivens, qui en devient la combative 12e lauréate.

« Et tu n’es pas revenu », une œuvre intimiste sur l’horreur de la Shoah

Jaquette_prix_Seligmann_2015Née en 1928 de parents juifs polonais émigrés en France quelques années plus tôt, Marceline Loridan-Evans, plongée très jeune dans le maelström de la Seconde Guerre mondiale, choisira déjà le parti de l’action en rejoignant la Résistance. Capturée par la Gestapo, elle est déportée – dans le même convoi que Simone Veil – en avril 1944 au camp d’Auschwitz-Birkenau, puis à Bergen-Belsen et enfin à Theresienstadt jusqu’à sa libération en mai 1945.

Dans « Et tu n’es pas revenu » – paru 70 ans après la libération des camps – Marceline Loridan-Ivens s’adresse à son père, Salomon Rosenberg, qui lui avait prédit, terriblement lucide, alors qu’ils attendaient parmi tant d’autres, à Drancy, le convoi qui allait les emmener vers les camps d’extermination : « Toi, tu reviendras peut- être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas ».

Le récit, qui se déroule sous la forme originale d’une lettre ouverte, pose, dans un style poignant et pudique, la question du retour des camps. Déjà en 1960, dans le film « Chroniques d’un été » de Jean Rouch et Edgar Morin, Marceline Loridan-Evans évoquait l’impossible retour à la vie après les camps. Avec la force et la clarté des mots couchés sur le papier, le témoignage qu’elle livre dans « Et tu n’es pas revenu », puissant, vibrant, prend encore une autre dimension, glaçante :

« Dans la vie, la vraie, on oublie aussi, on laisse glisser, on trie, on se fie aux sentiments. Là – bas, c’est le contraire, on perd d’abord les repères d’amour et de sensibilité. On gèle de l’intérieur pour ne pas mourir. Là-bas, tu sais bien, comme l’esprit se contracte, comme le futur dure cinq minutes, comme on perd conscience de soi-même. »

Cette œuvre, importante, nécessaire, est à mettre aux côtés de celles d’autres grandes voix : Charlotte Delbo, Jorge Semprún, Primo Levi, Elie Wiesel ou encore Claude Lanzmann.

« Et tu n’es pas revenu » incarne de fait tout l’esprit du Prix Seligmann. Marceline Loridan-Ivens partage d’ailleurs bien des points communs avec Françoise Seligmann (toutes deux se sont par exemple engagées pour l’indépendance algérienne – Marceline Loridan-Evans a coréalisé à ce sujet un film avec Jean-Pierre Sergent, « Algérie année zéro », en 1962), à commencer par leur ferveur et leur combativité. Rien d’étonnant à ce que Marceline Lordidan-Evans ait, en conclusion de son discours, appeler à rester vigilant face aux dérives qui troublent notre époque.

Une séance de dédicace s’est tenue à l’issue de la cérémonie.

Une séance de dédicace s’est tenue à l’issue de la cérémonie.

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Liste complète des lauréats du prix Seligmann

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