La fondation de la Sorbonne au Moyen Âge par le théologien Robert de Sorbon
L’affirmation de Paris comme capitale de la France s’appuya sur le développement et le rayonnement de l’Université de Paris. Celle-ci vit le jour au cours du XIIe siècle au terme d’une croissance continue des écoles parisiennes regroupées sur la Montagne Sainte-Geneviève. Ces écoles dispensaient un enseignement qui préparait à trois grades : le baccalauréat (grammaire, dialectique, rhétorique), la licence (arithmétique, géométrie, astronomie, musique) et le doctorat (médecine, droit canonique, théologie).
Ce succès rendit rapidement nécessaire une organisation structurée au début du XIIIe siècle. Le roi Philippe Auguste décida alors de donner aux maîtres et étudiants des conditions de vie convenables et de garantir par des diplômes la qualité d’études qui étaient en train de devenir une voie nouvelle d’ascension sociale. Le système d’organisation des écoles fut alors redéfini selon deux grands principes. Le premier était le regroupement des maîtres et des étudiants en une communauté appelée universitas et régie par des statuts fixant les règles de la vie commune au sein d’un système commun d’enseignement. Le second principe était celui d’une autonomie que vinrent garantir au début du XIIIe siècle trois textes officiels : en 1200, un diplôme de Philippe Auguste ; en 1215, une confirmation par le légat pontifical ; en 1231, la bulle Parens Scientiarum du pape Grégoire IX.
L’université acquit alors une personnalité morale, reçut des privilèges et se dota d’un sceau portant l’inscription : « Universitatis magistorum et scolarium parisiensium ». C’est également au cours des années 1240 qu’apparaissent les premières mentions d’un recteur, maître ès-arts élu par ses pairs et premier responsable de l’université.
La Sorbonne au moyen age
Dans les années qui suivirent, les étudiants formèrent quatre « nations » selon leur origine géographique: la française, la normande, la picarde et l’anglaise. De leur côté, les écoles s’associèrent en « facultés » : arts libéraux, médecine, droit canonique et, surtout, théologie – la « reine des sciences ». Si nous ne disposons d’aucune statistique fiable, il est sûr que plusieurs centaines de maîtres et plusieurs milliers d’étudiants fréquentaient les écoles parisiennes à cette époque.
Dès le XIIIe siècle, la communauté universitaire était européenne. Le modèle commun de formation et la maîtrise du latin facilitaient les échanges. Les maîtres étaient appelés à enseigner dans l’Europe entière, souvent suivis de leurs étudiants. Cette peregrinatio academica permit la construction européenne du savoir fondateur de l’Occident chrétien. Ainsi l’Université de Paris accueillit-elle le théologien souabe Albert le Grand, puis son disciple italien, Thomas d’Aquin, qui fut l’un des grands maîtres de la pensée théologique et humaniste en Europe.
Les « pauvres étudiants » étaient entretenus et hébergés au sein de collèges fondés par de généreux donateurs. La Sorbonne tire son origine du collège créé en 1253 par Robert de Sorbon, chapelain et confesseur du roi saint Louis qui en confirma la fondation en 1257. Une donation royale lui permit de s’établir dans une ruelle du versant septentrional de la Montagne Sainte-Geneviève, la rue Coupe-Gueule, qui devint plus tard la rue de la Sorbonne.
Comme dans les autres collèges, maîtres et étudiants formaient une communauté religieuse séculière. Vivant de leurs rentes, ils n’avaient à s’occuper que de suivre et de donner des leçons gratuites, permettant ainsi à des écoliers de toutes conditions de bénéficier de cet enseignement. Au départ une vingtaine, puis une trentaine, ceux que l’on appelait les socii ne dépassèrent jamais ce nombre modeste au cours du Moyen Âge. Il faut leur ajouter le nombre variable – peut-être une centaine en permanence – des « hôtes » payants et des « lecteurs » autorisés à utiliser la bibliothèque.
Accueillant à la fois les riches et les pauvres, sans distinction d’origine géographique ou familiale, sur des critères d’excellence intellectuelle, le collège de Sorbon s’imposa rapidement comme un établissement d’élite. Egalité, collégialité, moralité, études, telles étaient les règles du collège, rappelées par la célèbre devise latine : « Vivere socialiter et collegialiter et moraliter et scholariter ».
Bien que la théologie fût également enseignée dans de nombreux couvents, le collège de Sorbon devint l’un des principaux collèges de la Faculté de théologie, avec le collège de Navarre, le collège du Cardinal Lemoine, et le collège des Cholets. Toutefois, ces collèges restèrent longtemps de simples lieux d’hébergement et d’étude et ce n’est qu’au XVIe siècle que la Sorbonne fut dotée de chaires d’enseignement.
À la fin du Moyen Âge, l’Université de Paris était devenue le plus grand centre culturel et scientifique européen, attirant quelque 20 000 étudiants. Elle tirait sa renommée du prestige de ses maîtres, mais également de ses bibliothèques dont la richesse n’avait d’égale que celle de la bibliothèque pontificale. L’Université de Paris fut le berceau du « second humanisme français » au XVe siècle et c’est à la Sorbonne que fut installée, en 1469, la première imprimerie de France par le bibliothécaire du roi Louis XI, Guillaume Fichet, et le prieur du collège, Jean Heynlin.