Éric Karsenti reçoit la médaille d’or du CNRS 2015

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Éric Karsenti, figure de référence en biologie cellulaire, pionnier des approches interdisciplinaires dans ce domaine, est le lauréat 2015 de la médaille d’or du CNRS, la plus haute distinction scientifique en France. La prestigieuse récompense lui a été remise lundi 14 décembre, dans le Grand Amphithéâtre en Sorbonne, par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Thierry Mandon, secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. La cérémonie s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités parmi lesquelles François Weil, recteur de l’académie, chancelier des universités de Paris et Alain Fuchs, président du CNRS.

De gauche à droite, Najat Vallaud-Belkacem, Éric Karsenti, Alain Fuchs et Thierry Mandon.

De gauche à droite, Najat Vallaud-Belkacem, Éric Karsenti, Alain Fuchs et Thierry Mandon.

Éric Karsenti, biologiste aventurier, chantre de l’interdisciplinarité

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À 67 ans, Éric Karsenti a une carrière exemplaire. Débutée au sein du laboratoire d’immunocytochimie de l’Institut Pasteur, où il soutient sa thèse d’État en 1979, elle se poursuit au CNRS (qui le recrute en 1976) puis à l’université de Californie à San Francisco, où il est détaché en post-doctorat de 1981 à 1984. De retour des États-Unis, Éric Karsenti prend la direction d’une équipe au département de biologie cellulaire de l’EMBL – pour European Molecular Biology Laboratory – à  Heidelberg. C’est avec cette équipe qu’il effectue des découvertes majeures sur la régulation du cycle cellulaire, c’est-à-dire les mécanismes permettant aux cellules de se diviser et de transmettre à chaque cellule-fille exactement le même contenu en chromosomes. Il s’est en particulier intéressé à l’horloge qui rythme les divisions de l’embryon et régule la dynamique du cytosquelette lors de la mitose, l’étape de division de la cellule. Surtout, Éric Karsenti et son groupe ont démontré comment une enzyme (la kinase cdc2) déclenche la division cellulaire. L’une de leurs découvertes les plus novatrices porte sur le rôle essentiel des chromosomes dans l’assemblage du fuseau de division lors de ce processus. C’est une avancée fondamentale ; pour Éric Karsenti, « il s’agit d’un exemple d’auto-organisation cellulaire, un principe que l’on retrouve dans la totalité des mécanismes de morphogénèse cellulaire et embryonnaire. C’est la première fois qu’on comprend comment des fonctions complexes émergent du comportement collectif des composants cellulaires. »

Éric Karsenti, l’émergence de la complexité. Un film d’Alexandra Éna, © CNRS Images.

Par ailleurs désireux de développer l’interdisciplinarité, il crée, en 1996, le département de biologie cellulaire et de biophysique de l’EMBL, l’un des premiers centres au monde associant biologistes et physiciens. Grâce à cette approche, qui a permis d’allier  mesures de forces et modélisation mathématique à la biologie de synthèse et à l’imagerie de pointe, Éric Karsenti et ses équipes ont construit une plate-forme pour modéliser l’organisation cellulaire à un niveau très fin. Ses travaux ont donné lieu à plus de 200 articles scientifiques.

Entre 2001 et 2003, Éric Karsenti dirige l’Institut Jacques Monod à Paris, sachant qu’il était l’initiateur (en 1988) de la conférence Jacques Monod sur le cycle cellulaire à Roscoff, aujourd’hui devenue le rendez-vous incontournable dans ce domaine.

C’est lors de cette parenthèse parisienne qu’Éric Karsenti, passionné par la mer et aventurier dans l’âme, imagine l’expédition scientifique autour du monde dont il rêve depuis la lecture du livre de Darwin relatant le voyage du Beagle. Le projet s’est concrétisé en 2009 avec le projet Tara Oceans qui vise à mieux saisir le rôle clef de la vie microscopique des océans. Là encore, la clé de son succès réside dans l’interdisciplinarité puisqu’il s’entoure d’une équipe composée de près de 140 experts en génomique, imagerie quantitative, biologie, bio-géochimie, biogéographie, océanographie, biophysique, génétique, écologie ou bio-informatique… issus de 23 laboratoires internationaux. De 2009 à 2013, l’expédition Tara Oceans a collecté 35  000 échantillons de plancton, récupérés sur plus de 210 sites représentatifs des différentes mers du globe, au cours d’un périple de 140 000 km. Séchés et conservés au froid, ils constituent la plus grande base de données jamais rassemblée de manière quasi simultanée. La modélisation des écosystèmes marins peut désormais passer à une nouvelle ère, fondée sur la complexité du réel plutôt que de se contenter de modèles rudimentaires. Les premiers articles, dévoilés dans la revue Science1 en mai 2015, ne sont qu’un début, soulignant la fécondité de cette mission.

Aujourd’hui directeur de recherche émérite au CNRS, Éric Karsenti est actuellement affecté à l’Institut de biologie de l’Ecole normale supérieure (CNRS/ENS/Inserm), tout en conservant ses fonctions de directeur et de responsable de l’« imagerie quantitative » de Tara Oceans, où il tente d’associer l’imagerie à haut débit des organismes aux données génomiques, avec ses collègues des laboratoires de Roscoff et de l’EMBL.

Outre la médaille d’or du CNRS, Éric Karsenti a reçu de nombreuses distinctions dont la médaille d’argent du CNRS – un encouragement prophétique ! Membre de l’Académie des sciences depuis 1999, il est Chevalier de la Légion d’Honneur.

La médaille d’or du CNRS

La médaille d’or du CNRS distingue chaque année, depuis sa création en 1954, l’ensemble des travaux d’une personnalité scientifique qui a contribué de manière exceptionnelle au dynamisme et au rayonnement de la recherche française. De fait, elle vient souvent récompenser des pionniers dans leur domaine, appelés aux plus hautes distinctions mondiales : sur 67 lauréats, 11 ont aussi reçu un prix Nobel (tel que Jules Hoffman, lui aussi biologiste, récompensé en 2011) et 2 la médaille Fields. Cette année ne déroge pas à la règle en consacrant celui qu’un collègue, Stratis Avrameas, biologiste cellulaire à l’Institut Pasteur, décrit ainsi : « le meilleur chercheur imaginatif et créatif qui soit passé dans mon laboratoire. »

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Au dos de la médaille d’or du CNRS est gravé un extrait de « La Valeur de la science », d’Henri Poincaré : « La pensée n’est qu’un éclair au milieu de la nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout. » Cette belle sentence illustre bien l’importance des travaux novateurs d’Éric Karsenti et  la valeur de sa méthode prônant l’interdisciplinarité ; comme il le dit lui-même : « Si l’on veut vraiment saisir un phénomène, il est essentiel de croiser les compétences ! » . Du fonctionnement des mécanismes régulant le cycle cellulaire aux retombées de la mission Tara Oceans en passant par la modélisation de l’organisation cellulaire, les découvertes d’Éric Karsenki éclairent tout un pan de notre compréhension du vivant, ce que n’ont pas manqué de souligner dans leur discours Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon.

Aller plus loin

Découvrir la carrière d’Éric Karsenti sur CNRS Le Journal

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